En quoi, dans le questionnement de ce qui fait cinéma, Joker est opportun ?

Nous avons choisi de vous parler du film Joker, sorti le 9 octobre 2019 en France et réalisé par Todd Phillips, parce qu'il a suscité de nombreuses polémiques et engendré de nombreux débats dans la sphère médiatique. Ce qui nous a aussi marqué, c’est le mélange de genres que présente l’objet culturel. Le film appartient à l’univers des super-héros de Comics, ce qui en fait un blockbuster américain, un genre cinématographique qui n’est pas forcément considéré comme du vrai cinéma, mais comme du divertissement. Cette hybridation de genre liée aux discours qui hissent le film au rang de phénomène social international nous a conduit à nous poser la question de ce qui fait cinéma aujourd’hui.

Méthodologie

Nous sommes parties de l’exemple du film Joker pour analyser la réception de cet objet culturel nous permettant de voir l’impact qu’il provoque au sein même du secteur du cinéma.

Pour effectuer ce travail de recherche et d’analyse, nous avons donc lu, regardé et écouté différents médias : articles de presse spécialisée, nationale et internationale, magazines et émissions spécialisés, interview, réactions twitter et facebook pour recueillir un ensemble de discours autour de cet objet artistique et définir ce qui en ressortait.

Présentation du film

Réalisateur : Todd Phillips

Acteurs :Joaquin Phoenix, Robert de Niro, Zazie Beetz, etc

Date de sortie : 4 octobre (USA) ; 9 octobre 2019 (FR)

Durée : 122 minutes

Distributeur : Warner Bros

Musique : Hildur Guðnadóttir

Références : Interdit aux moins de 12 ans et classé R au USA (interdit au moins de 17 ans)

Budget : $55,000,000

Résumé

Le film relate l’histoire originale de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société qui sera emmené, par sa folie, dans le costume du Joker.

Teaser http://www.jokermovie.net/

Joker : une hybridation des genres 

Dès l’annonce du film, il est présupposé que le film Joker sera un blockbuster étant donné qu’il s’inscrit dans la continuité des films de super-héros tirés de l’Univers DC Comics et produit par le studio de production Warner Bros. Ce statut lui permet de capter l’attention du grand public, consommateur des films spectaculaires proposés par ce genre cinématographique.

Le film dépasse les attentes, les recettes du film s’élèvent à près de 950 millions de dollars actuellement, sachant qu’il est encore diffusé. Il avait compensé son budget de production dès le premier week-end, il bat le record du box office dans la catégorie des films interdits aux moins de 17 ans aux États-Unis et il est l’un des films les plus rentable en proportion du budget investi. En France il comptait plus de 4,5 millions d’entrées au 30 octobre et est resté premier au box office pendant 4 semaines. (Résultats qui s’apparentent à ceux d’un blockbuster).

Pourtant, le film montre de nombreux éléments qui ne permettent pas de l’associer réellement au cinéma de super-héros habituel. Sa dimension de blockbuster est modérée par les techniques de production qui le différencie de ces films à gros budget. En effet, son coût représente seulement un tiers du budget classique d’un blockbuster. Ce budget s’explique par les choix artistiques du réalisateur qui a créée un univers entièrement plongé dans le réel, sans présence d’effets spéciaux. Mais aussi par la trame narrative qui met en scène la mutation d’un personnage dans le registre d’un drame psychologique. Enfin, nous remarquons que le film est plébiscité par les professionnels et les critiques du cinéma, le film a reçu la plus haute distinction de la Mostra de Venise : le lion d’or.

Joker : dilemme du monde du cinéma

Joker profite de la popularité des films de super-héros. Sa place en tant que film hybride semble aussi participer à l’émulation car il offre les conditions ou codes d’accès favorisant la croisée des publics, entre ceux qui viennent pour l’univers comics, pour le genre du divertissement ou pour l’originalité de la forme hybride qui casse les codes habituels d’un film de super-héros.

Joker est de ces films qui relancent les débats, questionnant la légitimité de ceux que définissent ce qui fait cinéma Dans l’émission Spotlight de Allociné, les journalistes se demandent si l’hybridation des genres va créer une nouvelle demande : [à partir de 34:00]

https://soundcloud.com/user-323451486/spotlight-joker-on-decrypte-le-film-evenement

Martin Scorsese, dont le film Taxi Driver a inspiré Todd Phillips, déclarait récemment que les films de super-héros étaient “l’équivalent de gros manèges et les cinémas des parcs d’attractions”, découragé de voir qu’ils laissent de moins en moins de place à d’autres genres cinématographiques.

Interview de Martin Scorsese au Festival des Lumières 2019 durant l’unique diffusion en salle en France de son nouveau film : [de 1:18 à 1:56]    https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/martin-scorsese-au-festival-lumiere-les-films-sont-devenus-des-maneges-de-parcs-d-attraction_3661815.html

Lors d’une interview de promotion de son film, il déclarait à l’Empire à propos des films Marvel “I tried, you know? But that’s not cinema. Honestly, the closest I can think of them, as well-made as they are, with actors doing the best they can under the circumstances, is theme parks. It isn’t the cinema of human beings trying to convey emotional, psychological experiences to another human being.”

https://www.empireonline.com/movies/features/irishman-week-martin-scorsese-interview/

Autre grand nom du cinéma, Francis Ford Coppola, renchérit les propos du réalisateur : « Martin a été gentil quand il a dit que ce n’était pas du cinéma. Il n’a pas dit que c’était méprisable, c’est ce que je dis».

https://www.lefigaro.fr/cinema/francis-coppola-meprise-les-films-marvel-nathalie-portman-et-james-gunn-lui-repondent-20191021

Ces propos affectent tant les réalisateurs, à l’instar de James Gunn, réalisateur des Gardiens de la Galaxie, qui exprime sa déception lorsque l’un de ses réalisateurs favoris juge son film sans l’avoir vu : https://twitter.com/JamesGunn/status/1180158383070105606?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1180158383070105606&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lefigaro.fr%2Fcinema%2Fce-n-est-pas-du-cinema-martin-scorsese-etrille-les-films-marvel-20191007

Que les spectateurs, John Campea, youtubeur qui fonde sa chaîne sur des critiques de film répond aux propos des réalisateurs en rappelant le principe de subjectivité qui fait qu’on aime ou non un film, qu’on soit un réalisateur reconnu ou un fan. Podcast [de 0:25 à 1:43] https://www.youtube.com/watch?v=C643PYKxHgk

Et d’autres figures du cinéma réagissent à ce genre de propos tels que des acteurs : Samuel L. Jackson, qui interprète Nick Fury, figure récurrente des Marvels, explique que chacun a son opinion : [de 2:45 à 3:15]             https://variety.com/2019/film/news/samuel-l-jackson-martin-scorseses-marvel-1203360546/

et Natalie Portman, qui interprète Jane Foster dans le film Thor : "I think there's room for all types of cinema,", "There's not one way to make art."

https://www.hollywoodreporter.com/heat-vision/natalie-portman-weighs-scorseses-marvel-comments-1248923

 

Camille Caramanno et Marine Canevet

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