Le nouveau plan d’éducation artistique et culture.

Le 17 septembre 2018 est la date qui marque le lancement du nouveau plan pour l’éducation artistique et culturelle en France, pour les enfants de 3 à 18 ans, c’est-à-dire de leur entrée en école maternelle jusqu’à l’octroi du Pass culture. Considérant l’école comme l’instance de socialisation aux arts et à la culture la plus importante, pour éviter les fractures et injustices sociales, la désormais ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen et le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer ont proposé ce plan dont la mise en oeuvre effective est prévue pour la rentrée 2019. Un article tiré de notre revue de presse et issu du journal Le Monde nous rappelle que depuis vingt ans, l’éducation artistique et culturelle représente une priorité pour les Ministères de la Culture et de l’Education nationale.

Bien qu’on retrouve des actions artistiques et culturelles mises en place par le gouvernement français dès les années 60 avec la création de l’éducation socio-culturelle dans l’enseignement agricole ou encore la création des « classes culturelles » dans les années 80, la notion-même d’éducation artistique et culturelle (EAC) voit le jour en 2005, avec la création du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle. Elle s’est principalement développée à travers le parcours du même nom, partie prenante de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013, sous la présidence de François Hollande. L’article 10 affirme que « L’éducation artistique et culturelle contribue à l’épanouissement des aptitudes individuelles et à l’égalité d’accès à la culture. Elle favorise la connaissance du patrimoine culturel et de la création contemporaine et participe au développement de la créativité et des pratiques artistiques ». Ce parcours a été institué dès la rentrée 2013, sous l’égide des deux ministres de la Culture et de l’Education nationale avec, sur l’année scolaire 2013-2014, près de 30% d’élèves de primaire et secondaire ayant bénéficiés d’actions d’EAC, et 35% en 2015.

L’EAC prit davantage encore son sens et recouvra une priorité du Gouvernement après les attentats survenus en France dès 2015. Ainsi, à l’initiative de Fleur Pellerin, Ministre de la Culture et de la Communication de 2014 à 2016, les directeurs régionaux des affaires culturelles se réunissent, dans l’objectif d’impulser de nouvelles initiatives en faveur de l’éducation artistique et culturelle et de l’éducation aux médias. Assurer la cohésion nationale par la culture, en l’intégrant dans les zones même éloignées, appelées « zone blanches de la culture » constitue une priorité pour la Ministre de l’époque.

Cependant, après 2 années de mise en oeuvre, le plan n’atteint pas les résultats attendus. Plusieurs raisons l’expliquent avec premièrement la diminution du budget entraînant la baisse des crédits alloués à l’EAC ou encore la réforme des rythmes scolaires avec de l’action culturelle relayée au temps périscolaire seulement. Il convient cependant de souligner que l’éducation artistique et culturelle est désormais inscrite dans la loi, revêtant ainsi une obligation légale, lui donnant un poids non négligeable.

Ainsi, le 17 septembre 2018, l’ex-Ministre de la Culture et le Ministre de l’Education nationale dévoilent un nouveau plan d’éducation artistique et culturelle, effectif dès la rentrée 2019 et, en expérimentation dans dix villes françaises, pour l’année scolaire 2018-2019.

« C’est sans doute que j’ai été élevé en France, où on est trop timide, trop inhibé, où l’école ne met pas assez l’accent sur la prise de parole, l’expression et l’affirmation de soi. »
Jean-Michel Blanquer, 17 septembre 2018

A travers cette citation, M. Blanquer décrit la situation actuelle des écoles en France. Il convient de noter qu’en France, l’admission dans les établissements scolaires se fait souvent dès l’âge de 3 ans. Nous avons donc commencé à nous interroger sur la qualité du temps passé à l’école par les jeunes, et les enseignements proposés et notamment la place donnée aux enseignements artistiques et culturels. C’est ainsi que nous avons trouvé le sujet de l’éducation artistique et culturelle très captivant. A travers ce sujet, nous nous interrogeons sur les enjeux auxquels le nouveau plan d’éducation artistique et culturelle, annoncé pour la rentrée 2019 répond, et de quels moyens il bénéficie pour sa mise en œuvre.

Pour mieux comprendre ce qu’implique ce nouveau plan d’éducation artistique et culturelle (PEAC), nous avons choisi de suivre la méthode suivante : nous avons fait le choix de sélectionner des articles de presse datant au plus tôt du 17 septembre 2018, puisqu’il s’agit de la date à laquelle le nouveau PEAC intitulé « à l’école des arts et de la culture » a été annoncé par les deux Ministres au musée Rodin de Paris. Nous avons ainsi sélectionné 6 articles de presse en ligne, une vidéo, et un tweet. Ces données nous intéressent particulièrement pour la diversité de contenus, entre annonce du plan, mesures concrètes mises en oeuvre et expérimentations dans certaines villes de France et d’ores et déjà opinions de certains maires, et annonce des objectifs à atteindre.

Le plan d’éducation artistique et culturelle, qu’est-ce que c’est ?

D’après Françoise Nyssen ce « grand combat de société » a pour but de « faire de l’école française une école des arts et de la culture ». Selon elle, il faudrait commencer pas les plus jeunes. Pour cela, l’école primaire va introduire deux heures de pratique artistique hebdomadaires, ou « au moins deux temps forts culturels » qui impliquent visite d’un musée ou d’un monument, théâtre ou opéra, cinéma, ou encore rencontre avec des artistes. Les élèves de 3ème au collège bénéficieront d’une pratique de l’éloquence à raison de 30 minutes par semaine.

Trois objectifs sont poursuivis par les Ministères de la Culture et de l’Education nationale, à savoir le développement de la pratique musicale, de la lecture et du livre, ainsi que du théâtre. Un grand accent est porté sur la musique, avec en particulier la pratique du chant. Les élèves seront invités à chanter dans la chorale de leur école, mais sur la base du volontariat, puisque des chorales scolaires seront déployées dans tous les établissements scolaires d’ici 2019. L’objectif est d’homogénéiser les enseignements de l’école primaire jusqu’au lycée, puisqu’on note que dans la majorité des lycées professionnels, l’éducation musicale n’est pas favorisée et, dans les lycées généraux, elle se présente sous forme d’options, la plus souvent choisie par des élèves déjà adeptes d’une pratique instrumentale.

Afin de souligner l’importance de la lecture chez les plus jeunes, les élèves seront invités à emprunter chaque semaine un livre dans une bibliothèque. L’idée est de multiplier les systèmes déjà prouvés satisfaisants, comme par exemple le programme École au cinéma, le grand retour des ciné-clubs dans les écoles, du primaire au lycée, avec le soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée, dans l’objectif d’apprendre aux élèves les rudiments de la réalisation d’un film.

Une expérimentation pour l’année scolaire 2018-2019.

Le PEAC fait l’objet d’une année d’expérimentation durant l’année scolaire 2018-2019, dans plusieurs « villes-laboratoires ». Ainsi, 10 villes 100% EAC participent au dispositif en s’engageant à ce que, d’ici 2020, chaque enfant d’école élémentaire bénéficie de deux heures de pratique artistique hebdomadaire. Afin de mettre en place des actions artistiques et culturelles, la ville de Saint-Brieuc par exemple, collabore avec 18 équipes artistiques professionnelles dans le domaine du spectacle vivant, et s’appuie sur les ressources humaines des structures culturelles municipales telles que la SMAC la Citrouille. De la même manière, la ville de Bessancourt tend à instaurer d’autres projets comme la création d’une résidence-mission pour un artiste du Centre national des arts de la rue et de l’espace public, d’une résidence pour un auteur jeunesse au sein de la bibliothèque Keller ou encore le développement du programme Demos pour quatre nouvelles années. Pour la majorité des villes participantes, des actions artistiques et culturelles étaient déjà mises en oeuvre avant le PEAC, comme avec la classe orchestre dans une école primaire de la ville de Saint-Brieuc, initiée en 2014. Il s’agit donc ici, via le PEAC, de renforcer les actions déjàpensées par les villes et d’encourager le développement de nouvelles actions, en collaboration avec les collectivités territoriales.

Pour les Maires de ces villes-laboratoires, l’éducation artistique et culturelle revêt une place relativement importante, enjeu majeur « d’intégration sociale et d’épanouissement personnel » pour le Maire de Carros ou encore opportunité pour les jeunes de se familiariser avec les équipements culturels pour la ville de Château-Thierry.

Une plateforme EAC a également été mise en place, pour permettre aux enseignants, élèves et acteurs culturels de trouver des projets. En effet, le PEAC nécessite la collaboration entre différents acteurs : élèves d’une part, les enseignants qui favorisent les enseignements artistiques et culturels et qui bénéficient, à ce titre, d’une formation, les acteurs culturels locaux soucieux de développer des projets d’EAC et, les collectivités territoriales qui recouvrent une place importante, notamment dans les financements de ces projets. A noter que le Ministère de la Culture initie aussi une nouvelle forme de conventionnement, non pas avec des collectivités, mais avec des « lieux polyvalents » en leur confiant une mission d’assurer un 100% EAC sur un territoire donné. Trois conventions sont expérimentées à la rentrée 2018 : la Condition publique à Roubaix, la résidence d’artistes la Chambre d’eau implantée dans les Hauts-de-France et le Centre de créations pour l’enfance de la ville de Tinqueux, dans la Marne.

Quels enjeux pour le PEAC ?

Permettre à tous les enfants d’accéder à la culture représente l’objectif principal de ce plan. Enjeux de justice sociale, territoriale, ou encore de lutte contre les inégalités d’accès à la culture, le PEAC a pour visée de permettre aux jeunes de découvrir les racines de leur territoire, à travers une offre culturelle large. Etendre les fondamentaux de l’école « Lire, compter, écrire » à « pratiquer un art », tel est l’objectif suivi par Françoise Nyssen. Aujourd’hui, les pratiques artistiques des enfants sont très inégales en fonction de leur milieu social et de l’endroit où ils se situent sur le territoire. Développer les arts à l’école relève donc d’une exigence d’égalité républicaine. Cependant, cela pose de multiples questions sur la culture promue par les écoles, dont les actions culturelles mises en place sont à la discrétion même des écoles et des enseignants. L’enjeu de justice territoriale ne semble pas cohérent avec l’enjeu de justice sociale lorsqu’on sait que l’accès à la culture pour les plus jeunes est plus difficile en province et notamment en milieu rural que dans une région telle qu’en Ile de France. Par ailleurs, la justice territoriale nécessite la collaboration d’acteurs divers, entre acteurs culturels et enseignants issus de la fonction publique d’Etat par exemple qui n’ont pas les mêmes objectifs. Comment développer une synergie entre ces acteurs en dehors du cadre ministériel qui « impose » deux heures de pratique artistique hebdomadaire pour les élèves ? Il est souhaitable de se questionner sur pérennité de ce plan, en dehors des obligations légales. Nous pouvons nous interroger sur les volontés propres des écoles et enseignants de se mobiliser pour proposer davantage d’actions artistiques et culturelles, et sur l’implication de chacun de ces acteurs à l’intérieur même de ce plan.

Malgré ces points qui soulèvent de nombreux débats et le côté expérimental du PEAC 2019, certains exemples prouvent la pertinence de sa mise en oeuvre A ce titre, nous notons, dans la continuité des actions déployées par les villes, certains résultats chez les élèves bénéficiaires des actions d’EAC. Madame Diouron, maire de Saint-Brieuc rapporte que la classe orchestre « a produit chez les élèves des effets prometteurs : plus de concentration, plus de cohésion et de confiance mutuelle et surtout du plaisir à jouer ensemble ». Placer les arts et la culture au coeur de l’École permet aux élèves de développer leurs cinq sens : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût et leur connaissance concrète du réel.

L’expérimentation dans 10 villes a pour objectif de montrer que cette politique, si elle fonctionne au niveau local, peut s’étendre à échelle nationale, et ce, dès la rentrée 2019. La pertinence de ce projet de 2019 est démontrée aussi par le budget consacré par le Ministère de la Culture : 114 millions d’euros, soit un doublement des moyens par rapport à l’année 2017, expliqué notamment par une volonté de redonner aux collectivités territoriales une place au coeur du projet et, par la formation des enseignants pour encourager davantage encore les actions d’EAC.

Brstina Dusica , Cochetel Karine.

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