La friche Lamartine dans le troisième arrondissement lyonnais

La friche Lamartine est un lieu de production et de création artistique où s’entremêle autant de formes artistiques que d’artistes résidents : peinture, sculpture, musique, théâtre, cirque, illustration, couture, gravure, sérigraphie…À l’heure actuelle, la friche est en phase de relogement. D’ici l’hiver 2017-2018, elle devrait s’installer dans deux lieux distincts : la robinetterie à Villeurbanne ainsi qu’un lieu situé à Vaise. C’est sans surprise que les artistes se voient relogés : leur installation à Lamartine était attenante à un terrain de foot qui avait pour vocation son extension.

Historique de la Friche et mode de fonctionnement

Installée à l’origine dans l’ancienne friche Renault Véhicules Industriels, un incendie va déloger ses occupants et amener la ville de Lyon à les reloger dans une ancienne usine de bonneterie de 3500 mètres carrés située à Montchat.

La friche Lamartine est un lieu de production et de création artistique où s’entremêle autant de formes artistiques que d’artistes résidents : peinture, sculpture, musique, théâtre, cirque, illustration, couture, gravure, sérigraphie…

Ce ne sont pas moins de 250 adhérents permanents qui paient une cotisation de 30 euros par an ainsi qu’une cotisation trimestrielle de 3,50 euros par mètre carré de studio occupé et entre 800 et 900 adhérents temporaires qui permettent à la Friche de vivre en autogestion. La ville de Lyon estime d’ailleurs le prêt des locaux de la bonneterie à environ 350000 euros par an.

N’étant pas dotée du label ERP, la friche Lamartine n’est pas supposée accueillir du public sur le territoire de la friche. C’est une des raisons pour laquelle le festival Lamartine a vu le jour en 2012, afin de créer un espace de rencontres artistiques hors les murs. Ce festival est doté d’un budget d’environ 20 000 euros, obtenu par diverses subventions : à hauteur de 3000 euros par la ville de Lyon, 7500 euros de la Région Rhône Alpes ainsi que 7500 euros de la Direction Régionale des Affaires Culturelles.

À l’heure actuelle, la friche est en phase de relogement. D’ici l’hiver 2017-2018, elle devrait s’installer dans deux lieux distincts : la robinetterie à Villeurbanne ainsi qu’un lieu situé à Vaise. C’est sans surprise que les artistes se voient relogés : leur installation à Lamartine était attenante à un terrain de foot qui avait pour vocation son extension.

La Friche Lamartine et les pouvoirs publics

Née avec l’occupation intempestive de la friche RAV, la friche Lamartine a dû s’éloigner du mode contestataire pour pouvoir instaurer une relation de dialogue avec la ville et ainsi pouvoir échanger et avancer ensemble.

Pour Omar, artiste résident à Montchat, il a été crucial de participer à l’institutionnalisation de la friche, en se rassemblant en tant qu’association loi 1901, pour pouvoir entrer dans le cadre et mieux en repousser les contours. En effet, un comité anti friche existait au sein de la ville de Lyon, désormais, la relation avec les habitants du quartier est très positive : des associations voient le jour pour empêcher le départ des artistes dans un lieu différent.

L’enjeu, ici, est de réussir à comprendre les modes de fonctionnements institutionnels pour pouvoir entamer un dialogue au sein duquel les deux interlocuteurs se comprennent et peuvent échanger de manière productive. Même si la friche Lamartine est issue d’un mouvement contestataire, son logement n’est possible que par le prêt de la ville de Lyon : un lien de confiance doit être mis en place et maintenu pour que chaque parti puisse évoluer en toute sérénité.

C’est avec l’instauration de ces échanges que la Friche a pu tisser des liens avec la population de son quartier avec une exposition à la maison des Jeunes et de la Culture de Monplaisir en 2012 -2013 ainsi qu’avec le Festival Rencontres en 2014 où 4 jeunes du quartier, en réinsertion, ont participé à l’élaboration d’une soirée slam où l’ensemble du quartier était convié.

La Friche Lamartine : les enjeux et dynamiques liés au relogement de la friche

Ayant mis du temps à se faire une place au sein du quartier de Montchat, certains artistes redoutent leur implantation dans deux nouvelles zones lyonnaises : Villeurbanne et Vaise.

Un nouveau relationnel va devoir se tisser avec les habitants du quartier et la Friche devra se recréer une identité. Certains artistes expliquaient d’ailleurs que les habitants montaient des associations pour leur départ à leur arrivée alors qu’aujourd’hui, ils en montent pour que la Friche Lamartine reste présente dans le quartier.

En effet, pour Clémentine, artiste résidente, le déménagement va entraîner la perte du charme de l’ancienne bonneterie. L’identité de la friche Lamartine va donc devoir s’adapter au nouveau cadre qui lui est proposé. De plus, le fait que les artistes soient séparés sur deux sites différents entraîne une possible perte du lien et du suivi du travail de chacun ainsi qu’une difficulté de rassemblement de tous sous une identité affirmée et comprise de tous.

Ces nouveaux lieux vont permettre à la friche Lamartine de profiter de la norme ERP. Cela signifie qu’un accueil du public sera possible. Pourtant, Clémentine ne voit pas forcément cette ouverture d’un bon œil : elle redoute que les ateliers se retrouvent envahis et que les artistes perdent la dynamique propre à leur travail. C’est dans cette ambiguïté que réside un enjeu essentiel du travail d’artiste en friche : la volonté d’être vu et exposé tout en tenant à leurs revendications contestataires et à leur image d’artiste reclus et inaccessibles.

Enfin, tout le charme des friches et leur problématique réside dans leur précarité. Parfois elle souhaiterait un lieu pérenne où les déplacements ne seraient pas si fréquents, pas si compliqués à mettre en place. C’est également un des points problématiques soulevé par les friches industrielles : soit il s’agit de les envisager comme des réinvestissements de lieux désaffectés qui n’ont pas vocation à durer dans un lieu précis mais à se déplacer de lieux en lieux, d’espaces en espaces, de territoires en territoires ; soit il s’agit d’envisager une installation définitive qui assure sécurité aux artistes mais qui, d’autre part, ne permet pas de conserver le charme désaffecté et quelque peu usé du lieu.

Friches culturelles, une question actuelle ?

Oui, parce que la problématique illustre à merveille les paradoxes de la politique culturelle et le dilemme entre politique ascendante et descendante. Questionnant la place de la culture et des pratiques artistiques dans la ville, les friches culturelles symbolisent la volonté de concevoir de nouvelles manières de mettre l’art en lien avec la société. Les termes « lieux intermédiaires » ou « nouveaux territoires de l’art », également utilisés pour désigner ces espaces, caractérisent des lieux d’expérimentation dans lesquels le choix peut être fait de développer une œuvre commune.

→ « comment et en quel sens les « friches culturelles », du fait de leur trajectoire de mutation et de leur temps de veille, mettent-elles en question les manières de reconstruire la ville et de piloter ces projets ? Au travers de quels processus et formes de revalorisation ces espaces posent-ils questions aux chercheurs et comment peuvent-ils alors être reliés aux stratégies plus transversales de régénération culturelle et urbaine et participer (ou non) à cette nouvelle économie créative ? »

En se penchant sur le programme d’Emmanuel Macron, nous avons pu relever que « la priorité du quinquennat en la matière sera d’ouvrir l’accès à la culture et aux pratiques artistiques dès le plus jeune âge et de prolonger cet effort vers les jeunes et les familles. » en élargissant les plages d’ouverture des bibliothèques à la charge de l’État qui prendra en compte les frais supplémentaires induits et en instaurant un pass culture d’une valeur de 500 euros pour les jeunes de 18 ans uniquement, leur permettant d’accéder aux musées théâtres, concerts ainsi qu’en favorisation la diffusion du spectacle vivant et en pérennisant le statut d’intermittent du spectacle.

Il s’agit d’un programme, qui, en termes de politique culturelle, reste politiquement correct et s’ancre dans une zone de confort. Ainsi, la thématique des friches culturelles, en particulier, et des lieux intermédiaires où des formes artistiques prennent place, en général, sont des thèmes délaissés par ce programme alors qu’ils mettent en lumière divers enjeux sociétaux.

Laura Audibert, Pauline Grosset, Marion Eglaine

 

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